Chronique de “Solitaire sans modération”

Michel est un homme seul au milieu des autres. Cette solitude est recherchée. Il côtoie un peu ses voisins, Béatrice et Jacques. Un soir, après un apéritif chez eux, une envie, même un besoin l’envahit : il lui faut écrire. Les mots sont jetés sur les feuilles, les pages se remplissent.
Le lendemain, il veut revivre ce moment puissant. Il comprend, très vite, qu’il lui faut des rituels.

Solitaire sans modération est un récit de vie romancé. C’est l’histoire d’une descente aux enfers qui semble désirée, au départ. « Faut-il se détruire pour écrire ? » C’est cette question qui guide Michel, dans la quête de lui-même. Il est persuadé de ne pas pouvoir trouver l’inspiration sans alcool. Il refuse les mains tendues. On a envie de lui dire d’accepter de l’aide, mais on sait qu’il refusera. Finira-t-il par solliciter un appui ?
Sans tomber dans le misérabilisme, Solitaire sans modération dépeint la dépendance psychologique encore plus forte que la dépendance physique. Ce roman montre aussi un homme qui se bat contre ses démons, enfouis depuis tant d’années en lui, et qui pense être plus fort qu’eux, qui ne perçoit que ce sont eux l’origine de ce qu’il ne qualifie pas de problème. Il est dans un engrenage, il le sait mais ne veut pas en sortir, car c’est ce dont il a besoin pour écrire. Les conséquences sont moins importantes à ses yeux que le fait de produire un texte.

La plume de Jean-Pierre Barré est maîtrisée. Le récit est réaliste et c’est au lecteur de placer son curseur d’empathie, là où son cœur lui dit. Aucun jugement, aucun pathos, ce sont des faits racontés avec délicatesse et nous sommes libres de notre investissement au côté de Michel.

Conclusion

J’ai beaucoup aimé ce roman qui fait réfléchir sur une envie plus forte que tout, qui dévaste une vie. Michel avait une vie bien rangée, trop peut-être, et l’écriture a tout chamboulé. Ce livre interroge également sur les addictions et sur la dépendance psychologique plus ancrée que la dépendance physique et donc plus difficile à combattre.
Cette citation du livre est le fil conducteur de l’histoire : « Faut-il se détruire pour écrire ? »

Valmyvoyou.lit du 14 mai 2019